Dans notre société de stress, il y avait un petit homme qui avait toujours du temps pour tout le monde, mais personne n’en avait pour lui… Epuisé le jour de Noël, il s’effondre sans que personne ne se préoccupe de lui…
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Voir le texte de transcriptionIl était une fois un directeur qui n’avait jamais le temps de rien faire, même de travailler. Lorsqu’on lui demandait quelque chose, il répondait toujours qu’il n’avait pas le temps. Qu’il était vraiment désolé, mais qu’il n’avait pas le temps.
Les journées auraient dû être d’au moins 48 heures… Et même, cela aurait-il vraiment suffi? Il n’en était pas si sûr. Pourtant, le soir, il était incapable de raconter sa journée, la pile des documents à traiter étant plus haute que le matin. Si d’aventure quelqu’un lui posait la question, il répondait qu’il avait été en séance tout le jour, qu’il avait discuté, téléphoné, voyagé…
Il était une fois une mère qui n’avait pas le temps, vraiment pas le temps du tout. Elle disait à ses amies qu’elle ne comprenait pas que les semaines filent si vite. Si seulement elles étaient plus longues ! Tout le jour, elle rangeait, nettoyait, astiquait, véhiculait les enfants, les aidait à faire leurs devoirs, courait au magasin, préparait le repas… et le soir, elle travaillait encore.
Il était une fois un médecin qui n’avait pas le temps. Les patients défilaient dans son cabinet, jamais fatigués, toujours désespérément malades, même les jours de fête, même la nuit. Jamais en congé. Quelle idée!
Il était une fois un ingénieur, une secrétaire, un éboueur, un enfant…
Pourtant, au milieu de ce monde où régnait une pénurie de temps dramatique, un homme prénommé Arthur semblait en avoir toujours suffisamment.
Comme tout le monde, il avait son travail, ses occupations et ses préoccupations. Il avait une femme et quatre enfants… Mais Arthur avait le temps et donnait l’impression de ne jamais être pressé. Entouré d’êtres en perpétuel manque, il se faisait sans cesse bousculer par eux.
— Puisque vous avez le temps, vous ne pourriez pas aller à la poste pour moi ? demandait son collègue.
— Puisque tu as l’air de n’avoir rien à faire, tu pourrais aller faire les commissions … disait sa femme.
— Tu ne pourrais pas m’expliquer mes devoirs de math, déclarait l’un de ses enfants.
Il offrait de son temps à chacun et il réussissait même à en avoir un peu pour lui… mais si peu. C’était comme si son temps à lui était extensible à volonté. Le petit homme avait d’ailleurs de la peine à comprendre les autres qui se plaignaient sans cesse.
Parfois, il tentait d’argumenter, de poser des questions pour déterminer où s’envolaient les heures de ces tristes martyres. Mais ses interlocuteurs ne l’entendaient pas, car ils étaient déjà partis à la recherche de leurs minutes perdues, et jamais Arthur ne parvenait à discuter avec l’un ou l’autre de ces orphelins du temps.
Si Arthur était toujours disponible pour autrui, il n’en était pas moins fatigué, car personne n’avait de temps pour lui. Et nul n’avait remarqué non plus qu’il leur offrait sans cesse de ce dont ils avaient en si petites quantités. Nul ne réalisait qu’il s’activait bien plus que les autres.
C’est ainsi que le jour de Noël, alors qu’il décorait le sapin tout en mettant la table et en répondant à ses enfants, il tomba dans un fauteuil, amorphe, et ne se releva plus. Son épouse tempêta. Comment osait-il se reposer ainsi alors que les invités allaient arriver !
Le petit homme ne réagit pas. Ses
enfants hurlèrent contre leur père qui soudain ne les écoutait plus. Arthur ne sourcilla pas.
L’épouse dut préparer seule le dîner de Noël, mettre la table, ranger la maison… Tout cela, avec rage, sans voir que son époux ne bougeait toujours pas. Les enfants ne remarquèrent rien non plus.
Quand les invités sonnèrent à la porte, l’épouse se précipita tout en jetant un regard furieux à son mari affalé dans son siège. Soudain, en plein élan, à l’instant où elle ouvrait la porte, elle réalisa… Comment était-il possible que son époux soit resté assis dans la même position depuis des heures ?
C’est alors que l’épouse et les enfants se sont inquiétés. Ils se sont précipités vers ce père, vers cet époux qui leur était si cher. Tous se sont agenouillés devant le petit homme inconscient. Ils lui ont pris les mains qu’il avait froides. Ils ont tenté de le réchauffer, avec amour.
Les invités étaient là, debout à la porte. Mais tout cela n’avait plus d’importance. Tant pis si le repas refroidissait. Tant pis si les convives repartaient sans avoir mangé. Tant pis si les cadeaux sous le sapin n’étaient pas ouverts. Plus rien ne comptait d’autre que le petit homme qui ne se levait pas. La femme alla chercher une couverture, les enfants, des oreillers et une chaise pour poser ses pieds. L’épouse caressait doucement la tête de l’époux et lui chuchotait des mots doux. Les enfants serraient ses mains dans les leurs. C’était comme si le temps du monde était concentré sur cet homme. Il était le maître du temps. Pour la première fois, sa famille avait le temps, du temps pour lui.
Quand Arthur sortit de sa torpeur, réchauffé par tant d’amour, et qu’il découvrit autour de lui sa famille endormie, il fut très surpris. Il bougea ses membres ankylosés d’être restés si longtemps immobiles et tout son petit monde se réveilla. Ils s’assirent autour de la table pour manger un repas froid – ô combien chaud à leur cœur.
C’est ainsi qu’en ce jour de Noël, Arthur fit don du temps à ceux qu’il aimait.
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- Date de publication 18 novembre 2013
- Durée 00:10:11
- ISRC FR-9W1-13-22461
- Âge conseillé Tout public
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